Audimat #24
House & danse - Larissa Clément Belhacel
Quand on passe ses nuits dehors, la question de savoir si la vibe sera bonne prend une urgence qui peut paraitre étonnante de l’extérieur. Mais cet enjeu n’est pas qu’une question d’ambiance — et surtout pas qu’une question de design d’ambiance, d’investissement dans les décors ou dans les lumières. C’est l’affaire d’une multiplicité de choix — de la gestion des entrées à la manière de mixer la musique — d’où émerge la possibilité, ne serait-ce que pour quelques heures, d’éprouver ce que veut dire se sentir chez soi parmi un groupe de personnes qui ne sont pas toutes déjà des « proches ». Ces jours-ci, les discours bienvenus sur la « politique du dancefloor » mettent ces enjeux au premier plan, mais rarement en s’appuyant sur les expériences spécifiques des danseuses et danseurs, et sur leurs savoirs tacites — les transformations des manières de produire, de vivre, de jouer et de danser. Le travail de Larissa Clément Belhacel nous a donc fait un bien fou. Commencé depuis plusieurs années avec son fanzine My House is a Fanzine, il accorde une grande importance à ces histoires de vibes, aux héritages et aux rencontres, et éclaire d’une lumière singulière tout ce que la house music a à offrir.
Jersey Club Transfer - David Bola
Certain·es d’entre vous connaissent peut-être le travail du journaliste David Bola avec Grünt ou sa newsletter Waf-Waf. Voici quelques années, il s’employait avec son podcast La Traque à documenter sur Radio Nova les grandes et petites histoires des scènes clubs du monde entier. Après avoir vu quelques bangers Jersey club émerger dans ses playlists, on a voulu profiter de ses talents d’enquêteur et de conteur pour nous aider à renouer le fil et mieux comprendre l’histoire de cette musique, dont les sonorités ont récemment envahi les tubes de rap français, un peu comme la drill avant elle — pour le meilleur et pour le pire. Ce récit détaillé — y compris, c’est assez rare pour le souligner, en matière de choix de production — offre une lecture à tiroirs : c’est une manière de recoller les morceaux en découvrant, par exemple, le rôle de pivot des DJs français des années 2010, mais aussi d’enrichir les réflexions sur l’appropriation culturelle en observant à quelle échelle peuvent se jouer les glissements successifs qui font que le Jersey club a pu sembler ces derniers temps perdre un peu en urgence… Jusqu’à la prochaine mutation.
DJ Screw 10201 - Lance Scott Walker
Les (nombreux) nerds du rap de Houston connaissent déjà Lance Scott Walker pour son livre Houston Rap Tapes: An Oral History of Bayou City Hip-hop. Son histoire orale/biographie de Dj Screw en constitue la suite logique. On ne peut que lui être reconnaissant d’éclairer les recoins de la vie de Earl Davis Jr., en général quelque peu éclipsée par la mythologie qui entoure son oeuvre — un total plus de 350 mixtapes chopped & screwed — et par son décès prématuré en 2000, d’une overdose de codéine. De manière générale, à Audimat, on n’est pas particulièrement amateur de biographies : trop souvent, le format conduit à héroïser une personnalité au détriment de toute une scène. Mais ce portrait rare d’un producteur est l’occasion de mieux comprendre les conditions de l’invention de la screwed-up music. C’est d’autant plus nécessaire au moment où ses dérivés — des multiples variantes de phonk aux edits slowed & reverb — risquent de la réduire à un simple gimmick décontextualisé. C’est aussi une manière de ne pas trop la fétichiser, et de ne pas oublier qu’elle est aussi née du goût de la ride et des bons moments partagés.
Audio-rapt - Kodwo Eshun
Voici bientôt dix ans, Audimat avait publié une traduction d’un texte de Kodwo Eshun, extrait de son livre « culte » More Brilliant Than The Sun, depuis brillamment traduit en intégralité aux éditions de la Philharmonie. Si son travail d’écriture sur la musique s’est fait très discret depuis deux décennies, Eshun a néanmoins marqué toute une génération de critiques en inventant le concept de « fiction sonique », un révolutionnaire outil de lecture – simultanément « expérientiel » et théorique — de la jungle, de la techno de Detroit ou du jazz afro-futuriste de Sun Ra.
- 209 pages
- 11 x 17,5 cm
- Français
- 2025